Miles Davis

Hop ! J'ouvre un topic consacré à ce fabuleux musicien...

Je ne m'étendrai cependant que sur la période 1955-1975, à l'époque où Miles était signé chez Columbia. Je connais très mal ce qu'il a fait avant et je déteste, à une exception près, ce qu'il a fait après...

Cependant, puisque nous sommes sur un forum dédié au rock progressif, je pense qu'il est bon de commencer par un album-charnière, situé exactement à la croisée des chemins entre le rock et le jazz : Bitches Brew !



Il faut savoir qu'à partir de 1967, Miles Davis a commencé à s'intéresser à la musique que les jeunes écoutaient à l'époque, sentant que le jazz se fourvoyait dans une impasse (selon lui). Il va petit à petit électrifier ses instruments : le piano sera d'abord remplacer par le Fender Rhodes, le Wurlitzer et autre Clavinet, puis ce sera au tour de la contrebasse qui cédera sa place à la basse électrique. Il commence aussi à engager des guitaristes, et finit même, en 1970, par brancher une pédale wah-wah sur sa trompette ! Son but est alors de s'engager dans la voie tracée par Jimi Hendrix, James Brown ou encore Sly And The Family Stone, tout en africanisant de plus en plus sa musique...

En 1969, il réunit un impressionnant collectif de musiciens, jugez plutôt :

Don Alias - Percussion, Conga, Drums
Khalil Balakrishna - Sitar
Harvey Brooks - Bass, Electric bass
Ron Carter - Bass
Billy Cobham - Drums, Triangle
Chick Corea - Electric piano
Miles Davis - Trumpet, Vocals
Jack DeJohnette - Drums
Steve Grossman - Soprano saxophone
Herbie Hancock - Electric piano
Dave Holland - Bass, Electric bass
Bennie Maupin - Bass clarinet
John McLaughlin - Guitar
Airto Moreira - Berimbau, Cuíca, Percussion
Bihari Sharma - Tabla, Tamboura
Wayne Shorter - Soprano saxophone
Juma Santos (Jim Riley) - Conga, Shaker
Lenny White - Drums
Larry Young - Organ, Celeste, Electric piano
Joe Zawinul - Electric piano

En quelques séances, ils vont enregistrer ce qui deviendra très rapidement un point de rupture : la vieille garde des jazz-critics le descend en flamme, tandis que les jeunes, noirs et blancs (un détail qui a son importance dans ce pays à cette époque), ainsi que les magazines, commence déjà à parler de chef-d'oeuvre...
Car il s'agit bien d'un chef-d'oeuvre, dense, sombre, toxique. Deux disques, six morceaux :
"Pharaoh's Dance" (Joe Zawinul) – 20:06
"Bitches Brew" (Miles Davis) – 26:58
"Spanish Key" (Davis) – 17:34
"John McLaughlin" (Davis) – 4:22
"Miles Runs the Voodoo Down" (Davis) – 14:01
"Sanctuary" (Wayne Shorter) – 10:56

Une particularité de ce disque : la composition instantanée ! Miles passait dans les rangs de ses musiciens, et tandis qu'ils jouaient, il leur donnait quelques indications rythmiques, thématiques, les faisait taire, comme un sculpture musicale en perpétuel mouvement... Et le résultat est assez sidérant... Par contre, n'attendez pas un déferlement de technique à la Return To Forever, ici, la musique est plus insidieuse, elle se déploie lentement, distillant ses effluves narcotiques...

Ce disque a toutes les chances de plaire aux amateurs de musiques psychédéliques (Pink Floyd 68-72, par exemple), de Krautrock (les premiers Tangerine Dream, Can...), de jazz-rock, de Canterbury (Soft Machine, Nucleus...), bref, pas mal de forumeurs et forumeuses ici présents devraient se jeter dessus ! Et préférez la version remastérisée, tant la qualité sonore a été améliorée (quelle clarté dans le mix, alors qu'à l'origine tout était confus !) : Amazon.

Episode II :

A partir de ce point d'ancrage qu'est Bitches Brew, il sera possible de s'intéresser à ce qui va suivre : de nombreux albums, enregistrés en live ou en studio, qui vont pousser la musique initiée sur le "Brouet de Garces" de plus en plus loin.

- A Tribute To Jack Johnson :
Deux suites de plus de 25 minutes chacune, avec une assise plus rock, plus violente : FA-BU-LEUX ! Un manifeste radical !



- On The Corner :
La musique est plus calme que sur l'opus précédent, plus proche de Bitches Brew, l'influence du funk et de la musique indienne en plus ! Stupéfiant, dans tous les sens du terme ! :smok:



- Agharta et Pangaea : deux double-live enregistrés le même jour au Japon en 1975 ! Après cela, Miles se retirera pendant cinq ans, et plus rien ne sera jamais comme avant (à partir de 1980, la musique se fait de plus en plus commerciale, à l'exception du très bon live We Want Miles !).

Ces deux live sont assez incroyables, puisqu'ils ne contiennent qu'un morceau par disque (parfois indexé en deux plages), dépassant donc les 40 minutes ! Une musique inspirée du funk, urbaine, méchante, acide, mais en même temps d'une très grande beauté... Le chant du cygne d'une musique qui, de toutes façons, ne pouvait guère aller plus loin...

Avant de passer à l'épisode III, quelques conseils d'achats peu onéreux... Ces disques sont des chefs-d'oeuvre !

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J'ai acheté il y a deux semaines le dernier coffret de l'intégrale de Miles Davis chez Columbia, The Complete On The Corner Sessions.

Ce coffret, en métal gaufré, contient 6 CD proposant l'intégralité des bandes enregistrées par Miles et ses musiciens entre 1972 et 1974 : une musique assez violente, tout en étant planante, et surtout très novatrice (il a fallu vingt ans et le succès de la techno au début des années 90 pour que soit enfin reconnu le génie des albums On The Corner, Big Fun et ).

Ce huitième coffret a fait l'ojet, comme d'habitude, d'une très grande attention : son remastérisé et remixé et livret de 120 pages (cette fois, les liner-notes sont moins précises que pour les autres coffrets).

Bref, en ce moment, ces presque six heures de musiques tournent en boucle, actuellement. Génial !



Disc 1 (June 1972)
1. On The Corner (unedited master)
2. On The Corner (take 4)
3. One And One (unedited master)
4. Helen Butte/Mr. Freedom X (unedited master)
5. Jabali
Disc 2 (June – Nov. 1972)
1. Ife
2. Chieftain
3. Rated X
4. Turnaround
5. U-Turnaround
Disc 3 (Dec, 1972 – Sept. 1973)
1. Billy Preston
2. The Hen
3. Big Fun/Holly-wuud (take 2)
4. Big Fun/Holly-wuud (take 3)
5. Peace
6. Mr. Foster
Disc 4 (Sept. 1973 – June 1974)
1. Calypso Frelimo
2. He Loved Him Madly
Disc 5 (Oct. 1974 – May 1975)
1. Maiysha
2. Mtume
3. Mtume (take 11)
4. Hip-Skip
5. What They Do
6. Minnie
Disc 6 (March 1972 – July 1973)
1. Red China Blues
2. On The Corner/New York Girl/Thinkin’ Of One Thing And Doin’ Another/Vote For Miles
3. Black Satin
4. One And One
5. Helen Butte/Mr. Freedom X
6. Big Fun
7. Holly-wuud

Ehn Deïss a écrit:

Je ne m'étendrai cependant que sur la période 1955-1975, à l'époque où Miles était signé chez Columbia. Je connais très mal ce qu'il a fait avant et je déteste, à une exception près, ce qu'il a fait après...

On peut savoir laquelle ???

Oui : We Want Miles !, qui est un superbe live, l'un des seuls disques de jazz-rock 80's que j'apprécie.

Ehn Deïss a écrit:

Oui : We Want Miles !, qui est un superbe live, l'un des seuls disques de jazz-rock 80's que j'apprécie.

On aime exactement le même Miles alors !!!...

Par contre, je ne déteste pas totalement "You're Under Arrest"...
Tout comme je ne peux pas détester complètement le "Merci" de Magma... si tu vois ce que je veux dire...

MILES DAVIS - You're Under Arrest (1985)



On est loin de la "grande période" électrique de Miles (de "In A Silent Way" à "Agartha"/"Pangea") mais je trouve que cet album est une vraie réussite.

On est en 1985, en présence de synthés aux sons et aux usages des plus douteux, de la boîte à rythme... et ici, je trouve qu'on s'en sert bien.
Miles, aprèss s'être rapproché des rock stars dans les années 70 (il a failli enregistrer avec Jimi Hendrix...) reprend deux tubes de stars de la pop : "Human Nature" de Mickael Jackson et "Time after time" de Cindy Lauper. Et c'est beau (enfin moi je trouve.... au milieu de toutes les merdes qu'on s'est tapé dans les années 80 !!...).

Même si les sonorités sont très 80's, le groove est bien présent... ça joue !

Officient sur cet albums deux excellents guitaristes : John Scofield et John MacLaughlin (ça ne gâche rien !!...)

Pour l'anecdote, Sing est crédité sur le premier titre en tant que "voix du policier français"...

Les 2 dernières minutes de ce disque m'ont toujours troublé : il s'agit d'une petite ritournelle jouée au clavier (genre boîte à musique) sur laquelle sont plaqués des bruitages (explosion, pleurs de bébé, cloche d'église...) et au-dessus de tout ça plane la trompette de Miles... je suis pétrifié à chaque fois que j'écoute ça... Le morceau s'appelle "Then There Were None"...

Je ne me souviens pas de l'album, mais en live, les reprises de Jackson et Lauper étaient superbes. De toutes façon, les versions originales de "Human Nature" et "Time After Time" sont déjà superbes (je suis un fan absolu des deux premiers albums de Michael Jackson)...

"Ten Little Indians" est une chanson pour enfants :

"Ten little Indian boys went out to dine; One choked his little self and then there were Nine.

Nine little Indian boys sat up very late; One overslept himself and then there were Eight.

Eight little Indian boys traveling in Devon; One said he'd stay there and then there were Seven.

Seven little Indian boys chopping up sticks; One chopped himself in halves and then there were Six.

Six little Indian boys playing with a hive; A bumblebee stung one and then there were Five.

Five little Indian boys going in for law; One got into Chancery and then there were Four.

Four little Indian boys going out to sea; A red herring swallowed one and then there were Three.

Three little Indian boys walking in the Zoo; A big bear hugged one and then there were Two.

Two little Indian boys were out in the sun; One got all frizzled up and then there was one.

One little Indian boy left all alone; He went out and hanged himself and then there were none."

Agatha Christie s'est servi de l'adaptation de cette chanson, devenue "Ten Little Niggers", pour écrire un de ses romans les plus connus, "Dix petits nègres". Genesis s'est aussi inspiré de cette comptine pour l'album ...And Then There Were Three..., ainsi nommé car Steve Hackett venait de quitter le groupe...

"Dix petits nègres s'en furent dîner,
L'un d'eux but à s'en étrangler
– n'en resta plus que neuf.

Neuf petits nègres se couchèrent à minuit,
L'un d'eux à jamais s'endormit
– n'en resta plus que huit.

Huit petits nègres dans le Devon étaient allés,
L'un d'eux voulut y demeurer
– n'en resta plus que sept.

Sept petits nègres fendirent du petit bois,
En deux l'un se coupa ma foi
– n'en resta plus que six.

Six petits nègres rêvassaient au rucher,
Une abeille l'un d'eux a piqué
– n'en resta plus que cinq.

Cinq petits nègres étaient avocats à la cour,
L'un d'eux finit en haute cour
– n'en resta plus que quatre.

Quatre petits nègres se baignèrent au matin,
Poisson d'avril goba l'un
– n'en resta plus que trois.

Trois petits nègres s'en allèrent au zoo,
Un ours de l'un fit la peau
– n'en resta plus que deux.

Deux petits nègres se dorèrent au soleil,
L'un d'eux devint vermeil
– n'en resta donc plus qu'un.

Un petit nègre se retrouva tout esseulé,
Se pendre il s'en est allé
– n'en resta plus... du tout."

MILES DAVIS - The Man With The Horn (1981)



L'album du retour... après 5 années d'absence (depuis "Pangea"/"Agartha").

Jazz, rock et funk se côtoient sans mauvais goût. Ca groove. C'est assez "froid" mais très efficace.
Participent à ce disque Mike Stern (guitare) et Marcus Miller (basse).
Le titre "The Man With The Horn" (qui n'est pas une compo de Miles) est chanté : une espèce de ballade à la Grover Washington... un peu dégoulinant mais pas détestable...

Eric a écrit:

MILES DAVIS - The Man With The Horn (1981)

L'album du retour... après 5 années d'absence (depuis "Pangea"/"Agartha").

Jazz, rock et funk se côtoient sans mauvais goût. Ca groove. C'est assez "froid" mais très efficace.
Participent à ce disque Mike Stern (guitare) et Marcus Miller (basse).
Le titre "The Man With The Horn" (qui n'est pas une compo de Miles) est chanté : une espèce de ballade à la Grover Washington... un peu dégoulinant mais pas détestable...

Ah si, justement ! Je hais ce titre ! Je ne peux pas... C'est dommage, cear les autres titres sont plutôt pas mal... Et carrément sublimés sur We Want Miles !...

Ehn Deïss a écrit:

Ah si, justement ! Je hais ce titre ! Je ne peux pas... C'est dommage, cear les autres titres sont plutôt pas mal... Et carrément sublimés sur We Want Miles !...

lol

C'est vrai, c'est un peu mièvre (voire beaucoup...), mais bon... ce qui est vrai c'est que ça fait carrément tache au milieu de cet album... qui comme tu le dis prend toute sa dimension en live sur "We want Miles" (même s'il n'y jouent qu'une compo de "The Man With The Horn".... c'est l'année d'après et c'est à peu près la même équipe...)

Suite à mes récents achats (Miles In The Sky et Filles de Kilimandjaro) , je reviens alimenter un peu ce topic...

Bon , après quelques écoutes, je suis moins convaincu qu'avec Coltrane, auquel j'avais tout de suite accroché. Sans doute je préfère le Sax à la trompette déja. Je percois bien évidemment tout le potentiel mais pour l'instant les deux disques me paraissent un peu décousus, comme s'ils manquaient de cohésion. On a l'impression que tout de monde fait son petit truc dans son coin , et qu'il n'y a pas de volonté de rendre l'ensemble cohérent, pas de thèmes facilement mémorisable. Alors qu'après quelques écoutes de Giant Steps de Coltrane je me sentais capable de siffler quelques thèmes, je m'en sentirais bien incapable avec Miles Davis ...
Bon , je me dis pour me consoler que ce n'est sans doute qu'une infime partie de ce qu'il a fait, et je sais que je chercherai quelque chose de plus construit si j'achete d'autres disques (des conseils à ce sujet ? ), tout en persévérant dans l'écoute de ces deux disques (qui sont par ailleurs très soignés)

Entre Giant Steps et les albums de Miles que tu as achetés, il s'est apssé dix ans, ce qui est énorme dans ce style de musique... Plus décousus, dis-tu ? C'est marrant, je trouve ce quintet d'une rare cohésion !

Dans ce cas, laisse-les reposer, écoute d'abord Kind Of Blue ou alors Sketches Of Spain... Tu y (re)viendras !

C'est clair que dix ans au rhythme auquel il sortaient les albums, c'est énorme...

Et sinon ne t'inquiète pas, je vais y revenir, je n'ai pas l'intention de baisser les bras aussi rapidement

Le fait que tu ne retiennes pas un air n'est pas un critère de manque de cohésion de Miles Davis (qui était loin d'en manquer) mais est sans doute plus à mettre dans ton aptitude à être immerger dans cet univers spécifique. Laisse toi familiariser par ces albums, avec le temps tu va les percevoir différement.
Par ailleurs tu pourrais peut-être te familiariser avec le jazz de la période Be-bop.
En ce moment Amazon fait une opération "Blue Note" à 9€ dans lequel il y a quelques perles.



Voilà pour en citer quelques uns.

Dans cette opération je prendrai bien un wayne shorter (ben oui a force de l'écoute avec Weather Report ou Miles je me dis que je vais bien aimer ce qu'il a fait en solo) , et 'Blue Trane" que je connais déja et que j'aime bien
Pour Shorter j'hésite entre The Soothsayer , Speak No Evil et Juju
il y a aussi The real Mc Coy de Mc Coy Tyner qui m'intéresse

Merci de me donner vos avis ?

C'est du tout bon. Cette collection est géniale. Si tu aimes Coltrane tu as également le McCoy Tyner qui est une merveille. Et puis un petit Herbie Hancock de la première période :

Nos posts se sont croisés

Je pense que je me laisserai tenter par Tyner Mc Coy
Un avis sur Wayne Shorter ?

Angrom a écrit:

Nos posts se sont croisés

Je pense que je me laisserai tenter par Tyner Mc Coy
Un avis sur Wayne Shorter ?

Moi, je te conseille ceci : trois albums (pour même pas quinze euros) vraiment magnifiques ! Wayne Shorter est grand !

Par contre, je connais très peu McCoy Tyner en dehors de ce qu'il a fait avec John Coltrane...

Fuck , me suis encore fait avoir ...

Donc trois wayne shorter et un tyner mc coy on the way, pour 23 euros ...

Quel beau HS ! :lol:

Tu me diras ce que tu as pensé du McCoy Tyner, ça m'intéresse, cette histoire !

Ouais on arrete et on rend ce topic à Miles ...

Hop hop hop... Je remonte le topic pour dire que je viens d'acquérir "In A silent way" , que je n'ai pas encore assimilé, mais j'y reviendrai ...

Angrom a écrit:

Hop hop hop... Je remonte le topic pour dire que je viens d'acquérir "In A silent way" , que je n'ai pas encore assimilé, mais j'y reviendrai ...

Alors, tu l'as réécouté ?