Le dernier film que vous avez vu

Pis y a aussi un chorus de batterie, qui renvoie le solo final de Whiplash au rang des amusettes

J'ai cru lire que le film était un plan-séquence... Vrai ?

un vrai à l'écran, un faux du point de vue technique (on devine où se font les raccords). Mais oui, c'est ça qui est gonflé, surtout qu'il y a donc un paquet de vrais plans séquences hallucinants.

La scène à l'hosto pourquoi pas (histoire de montrer qu'il ne s'est pas vraiment tué). Mais le coup de laisser croire qu'il s'est envolé par la fenêtre, afin de donner une touche de "merveilleux" au film je n'ai pas trouvé ça nécessaire. J'ai préféré la fin de Birdie (je ne sais pas si tu avais vu ce film). Enfin il y a peut-être un truc que je n'ai pas saisi, dans ce cas je veux bien ton avis

Premier plan du film : une boule de feu qui traverse le ciel.

Cut

Deuxième plan, d'un quart de seconde : on ne comprend pas car on n'a pas le temps de distinguer quoique ce soit. Le plan revient plus tard, plus longuement : ce sont des méduses mortes échouées sur une plage.

Cut

Et là, plan-séquence d'une heure et demi.

Cut

A nouveau les plans du début.

Puis la séquence de l'hosto.

Thèmes récurrents du film : le suicide (sur scène, les méduses, le saut dans le vide), le show-biz/les media/les réseaux sociaux, et le double : le héros et le Birdman qui le hante, bien sûr, mais aussi le personnage campé par Edward Norton, qui est un fantasme, l'homme qu'il aimerait être. L'homme qui a des problèmes d'érection, ce n'est pas Norton, c'est Keaton.

Il y a aussi quelque chose qui est répété de nombreuses fois dans le film : Norton ne cesse de dire qu'il n'est vrai que sur scène. Donc pas en dehors.

Alors voilà : pour moi, la boule de feu, c'est la brûlure des méduses ou de la balle dans la tête et la mort. Tout le plan-séquence est un rêve ou un flash : soit il se noie, soit c'est un coma, soit ce que l'on voit pendant une heure et demi ne dure qu'un demi-seconde). On est dans un délire typiquement lynchien, où se qui nous est montré à l'écran n'est pas la vérité, y compris le temps (il y a d'ailleurs une allusion au temps quand la fille de Keaton dessine des tirets censés représenter la durée de l'univers et celle d'une vie humaine). Les super-pouvoirs, son ex-femme, sa fille qui bosse avec lui alors qu'on ne cesse de nous répéter que la relation père-fille était pour le moins houleuse, ça n'existe pas. Par l'intermédiaire du personnage de Norton discutant avec sa fille, il cherche des informations qui pourraient être positives sur lui. Cette histoire de doubles m'a paru encore plus claire ce midi, quand j'ai ouvert ce topic et que j'y ai vu la photo que tu as postée : Norton en slip ! Comme dans les rêves, des éléments se trouvent réutilisés (on pense encore à Lynch et à la fin de Mulholland Drive, quand dans le dernier quart d'heure, on croise des personnages complètement banals, comme le cow-boy, qui ont eu un rôle différent au cours des deux heures précédentes). Car le slip revient bien évidemment dans une séquence absolument incroyable ! Norton et Keaton ne sont qu'un ! Et seul ce qui nous est montré sur scène est vrai : la pièce de Carver est le seul élément tangible ! Et Keaton aimerait bien être le jeune homme qui saute sa femme (je me demande d'ailleurs si, dans la vraie vie de Keaton, qui ne nous est jamais montrée, ce n'est pas sa femme qui l'a trompée, ce qui expliquerait encore mieux son suicide). Le personnage de Norton, qui est pourtant omniprésent, disparait à la fin, même dans la pièce de théâtre, où la caméra ne s'attarde plus sur lui (il me semble même que la dernière fois où on le voit, son visage est flou, en tout cas minuscule dans l'image).

Dans les quelques secondes qui précèdent sa mort, il fantasme sa vie comme il aurait aimé qu'elle se passe et dans la dernière séquence, celle de l'envol, il se voit apporter le bonheur à sa fille : le héros qu'il n'a jamais été dans sa vie personnelle. Ce n'est pas une fin cul-cul-la-praline, c'est beau et triste...

Je pense à autre chose : le double ne se limite pas à Norton/Keaton, mais aussi à sa femme. Son ex-femme et sa nouvelle petite amie ne font qu'une, j'en suis sûr, et je suis persuadé que la séquence où elle lui apprend qu'elle est enceinte nous annonce en fait que sa fille est morte, ce qui justifierait la musique à ce moment : "Pavane Pour Une Infante Défunte", de Maurice Ravel. Tout ce film repose sur l'envie de Keaton de réécrire son histoire à sa façon, de partir en paix.

A propos de ma théorie "Keaton est Norton", il y a un truc qui me dérangeait : pourquoi Norton embrasse-t-il la fille de Norton ? Ce serait über-glauque... Sauf qu'à un moment, Keaton raconte à Norton l'histoire de son père qui le violait quand il était enfant... Il avoue finalement qu'il ment... Exact, il ment : le père, c'est lui...