Pearl Jam -
Lightning BoltVedder annonçait, en 2009 à la sortie de
Backspacer, vouloir aller plus vite à l’avenir pour enregistrer de nouveaux disques. Face à la joie évidente que la bande a eue de se retrouver en studio, il espérait alors suivre les traces des
Guided By Voices, écrire et sortir des albums de manière beaucoup plus spontanée, en peu de prises de son et sans prises de tête.
Il aura malgré tout fallu attendre plus de 4 ans pour découvrir
Lightning Bolt, le petit nouveau, soit le délai le plus long d’attente dans la carrière de PJ.
Cette attente a été jalonnée de quelques offrandes cherchant à créer l’engouement dont l’officialisation du single
Mind Your Manners qui pouvait laisser présager un retour burné avec cet hommage à leurs influences punk (même si la production renvoie autant à
Green Day qu’aux
Dead Kennedys, inspiration avouée par
McCready), un décompte de la sortie à J-90 et enfin la vidéo du second single
Sirens que je n’ai pu m’empêcher de considérer, dans un premier temps, comme une tentative ratée de slow Hard FM.
La curiosité première chez moi était de connaître le niveau d’implication de
Vedder sur ce disque. J’aime son charisme, sa voix, sa force dans l’interprétation mais je soupçonne qu’il puisse avoir un effet castrateur sur l’inspiration des autres membres et qu’il impose sa vision, les contenant de la sorte à un statut de simples instrumentistes. La sortie cette même année du fantastique
Moonlander de
Stone Gossard, plein de fraîcheur, de simplicité et d’honnêteté, participe également à cette impression d’une orientation et d’une répartition des tâches ne contentant plus vraiment les
Ament,
Gossard et consorts.
Premier constat à la lecture des crédits,
Jeff Ament, le bassiste, ex
Green River et
Mother Love Bone, a décidé de laisser son empreinte sur ce disque en écrivant 4 titres, dont 2 avec
Gossard, et non des moindres (Les « décalés »
My Father’s Son,
Infallible, le mystérieux
Pendulum). De plus, je crois bien que c’est la première fois que j’entends aussi distinctement et puissamment la basse de Jeff avec souvent une fonction d’instrument à part entière et pas simplement de support destiné à porter la mélodie.
Les 2 singles
Mind Your Manners et
Sirens, écrits par
McCready sonneraient-ils un retour à l’ère
Yield où le père Mike nous avait gratifiés des 3 perles que sont
Brain Of J,
Faithfull et
Given To Fly ?
Clairement non, si MYM constitue un bon single, un titre de lancement correct, ça reste en moins de 3 minutes de riffs en power chords un titre punk basique mais surproduit avec un soupçon de surf rock, à des années-lumière du raffinement dont
Pearl Jam faisait preuve par le passé, même sur la partie la plus pêchue de son répertoire.
Sirens non plus, même si les railleries de la première écoute sont loin. Juste le temps de digérer cette impression de guimauve, de se dire qu'il s'agit bel et bien de
Pearl Jam pour se rendre compte que c'est un très bon titre, émouvant, évitant de justesse la mièvrerie vedderienne sur le refrain. Et force est de constater que ce même
Vedder a retrouvé de la voix sur ce titre l’obligeant à passer d’un registre crooner à des aigus maîtrisés.
Quid de l’apport de
Vedder maintenant, le premier constat (commençons par le négatif) est que la fin de l’album est bâclée. La présence de
Sleeping By Myself de son
Ukulélé Songs, en version retravaillée folk est d’ailleurs une énigme. Passons. Que dire alors de
Future Days où
Vedder minaude sur cette chanson d’amour (« I Believe cause i can see our future days, days of you and me. ») sur une mélodie au rabais introduite par un thème de piano des plus niais. Reste l’excellent opener
Getaway, super efficace et sautillant, le titre éponyme, la seule fois sur ce disque où on est en terrain connu et enfin
Swallowed Whole qui semble reprendre les choses là où
Into The Wild les avait laissées.
J’aurais presque préféré que l’album se termine par le très bon
Let The Records Play de
Gossard et ses faux airs de
ZZ Top/
Black Keys où
McCready lâche les chevaux sur une fin jouissive qui me fait susurrer à moi-même un putain de «Yeah ».
Vous commencez à comprendre, j’ai beau leur en vouloir d’alimenter chez moi la nostalgie, plus que l’espoir d’avoir entre les pognes un PJ comme dans les 90’s, je ne trouverai jamais un disque de PJ mauvais. Je crois sincèrement qu’ils en sont incapables. Cet album est bon. Juste bon, quelle tragédie ! Un album patchwork sans grande cohérence mais des titres globalement bons (si ce n’est cette fin) mettant une fois de plus en avant les nombreuses influences du groupe et en exergue que chaque membre a travaillé seul dans son coin. Ce disque aurait mérité d’avoir une autre personne aux manettes que
Brendan O’Brien qui n’est plus non plus l’excellent producteur des 90’s et qui tend à rendre lisse et inoffensif tout ce qu’il touche. Sans parler de ses quelques parties de piano incongrues qu’on peut entendre ici et là. (Léger massacre sur le titre
Lightning Bolt d’ailleurs)
J’aimerais vraiment à l’avenir voir
Pearl Jam tenter l’aventure hors de toutes zones de confort et
Brendan O’Brien en constitue une. Après
Tchad Blake,
Adam Kasper, je verrais bien un mec adepte d’un son plus brut, minimaliste et instinctif car s’il y a bien un truc particulièrement dérangeant dans cette 10ème besogne, c’est que PJ n’a jamais sonné aussi mainstream que depuis qu’ils sont indépendants.
Steve Albini peut être ?