David Bowie The Next DayDavid Bowie a toujours été un manipulateur de premier ordre. Victime d'un grave accident cardio-vasculaire en 2004, il disparait complètement des écrans-radars, son absence alimentant les pires rumeurs sur sa santé. Quelques apparitions çà et là, mais en cette époque de surinformation permanente, où tout est divulgué dans la seconde,
Bowie reste invisible ! Et au moment où tout le monde a cru comprendre qu'il avait pris sa retraite, qu'il était peut-être à l'agonie, l'Homme qui venait d'ailleurs réapparait le 8 janvier dernier, jour de son 66ème anniversaire. Un clip étrange, glauque, une chanson belle, mais très lente, des paroles qui font écho à un lointain passé berlinois, un visage fatigué... Lui, l'homme qui avait toujours un coup d'avance, semble tout à coup nostalgique ! De là à le croire dépassé, il n'y a qu'un pas... On annonce qu'il n'y aura pas de tournée ; guère rassurant. Ultime provocation ? La pochette de l'album à venir reprend l'artwork de
'Heroes', chef-d’œuvre sorti en 1977 : "Heroes" est rayé, le visage de l'artiste caché par un grand carré blanc ! Seul le titre,
The Next Day, peut laisser espérer autre chose qu'un coup d’œil dans le rétroviseur...
Un mois plus tard, nouveau titre, nouveau clip : "The Stars (Are Out Tonight)".
David Bowie y apparait en retraité, faisant ses courses à la supérette, suivi (hanté ?) par les figures de son passé, dont une jeune femme déguisée en l'un de ses avatars les plus connus : le Thin White Duke (tandis que lui ressemble au
Bowie des 80's, celui du clip "Dancing In The Streets", en duo avec
Mick Jagger). Un clip à nouveau très étrange, lynchien, dérangé... On remarque aussi que cette nouvelle chanson est très pêchue : de l'énergie, un refrain qui fait mouche, on se dit que la star vieillissante semble en avoir encore un peu sous le pied ! Entre temps, le producteur
Tony Visconti nous aura prévenus que
The Next Day sera résolument rock. Tout est prêt, le public n'en peut plus d'attendre.
12 mars : l'album est enfin dans les bacs. La première écoute rassure,
Bowie lui-même nous rassure : "here I am, not quite dying, my body left to rot in a hollow tree", chante-t-il sur "The Next Day", morceau d'ouverture très frontal, sur lequel il en profite pour régler quelques comptes. Une heure durant, les chansons se suivent, agréables... Où l'on repère quelques passages qui font espérer le meilleur... Irrésistiblement, on repasse l'album, les chansons s'ancrent petit à petit dans le cortex, chacune a d'ailleurs un petit gimmick qui la rend mémorable : le sax baryton de "Dirty Boys" et de "Boss Of Me", les refrains de "The Stars (Are Out Tonight") et "Valentine's Day", imparables dans leur perfection pop, la rythmique heavy-jungle de "If You Can See Me". Quelques échos au passé, mais jamais passéistes : la mélodie du "Apache" des
Shadows, recyclée dans "How Does The Grass Grow", l'intro de batterie du cultissime "Five Years" qui vient conclure la chanson la plus "Ziggy" de l'album, "You Feel So Lonely You Could Die", qui rappelle par son intensité le monument qu'est "Rock And Roll Suicide" (les mêmes frissons, les mêmes larmes). L'album se termine sur un morceau noir, ces ambiances dark qu'il maitrise depuis si longtemps... Et un jour, on se rend compte que cette collection de chansons est parfaite, que
The Next Day possède cette unité, cette cohérence qui font les grands albums. Car c'est là la prouesse de cet album : sans vraiment renouveler son art,
David Bowie a sorti cette année son album le plus égal depuis longtemps : aucun déchet, pas même dans les excellents
bonus tracks, un opus varié, émouvant, bourré d'énergie et de classe !
Bowie serait à l'agonie ? Peut-être... Mais il le cache bien, tant
The Next Day respire la fraîcheur, la vie ! Et pour cela, qu'il en soit remercié...