- Ehn Deïss a écrit:
- Quelqu'un pourrait-il m'en dire plus sur ce compositeur ? Et me conseiller des enregistrements... Merci !
Sibelius est un cas à part dans la musique du XXè. Il échappe à toute école ou étiquette. Karajan - qui l'a beaucoup joué et défendu - considérait sa musique comme une météorite dans le paysage musical. Contrairement aux idées reçues, il n'y a pas une note de folklore ou de musique traditionnelle nordique dans sa musique. Le
kalevala, vaste poème populaire finnois qui est l'oeuvre identitaire de tout un peuple a en revanche beaucoup inspiré son oeuvre. On y retrouve les textes et les personnages.
On peut partager son oeuvre en deux périodes, et pour l'aborder je conseille de suivre la chronologie, car la première période est plus accessible, le caractère plus mélodique des oeuvres de cette période font que le discours parle à l'auditeur.
Les oeuvres phares de cette première période sont : La
deuxième symphonie,
Kullervo (symphonie avec choeur indépendante du corpus des 7 symphonies), le poème symphonique
En saga.
Une oeuvre de cette période est très représentative de tout le langage de Sibelius et de son évolution future : La suite des
quatre légendes de Lemminkaïnen, dont fait partie le célèbre
Cygne de Tuonela.
Pour la
suite Lemminkaïnen et
Kullervo je conseille les versions d'Esa-Pekka Salonen (Sony) ou de Paavo Järvi (Virgin).
On peut inclure à cette période le
concerto pour violon, une des manières les plus faciles d'aborder Sibelius; magnifique concerto, mais attention ce n'est à mon avis pas très représentatif du reste de l'oeuvre de Sibelius.
La version de Christian Ferras avec Karajan enregistré à Berlin dans les années 60 est splendide; la sonorité soyeuse de Ferras - une des plus belles (la plus belle pour moi) de l'histoire du violon - et sa grande sensibilité font ici des miracles :
(Pochette originale du microssillon; réédité depuis)La deuxième période est plus ardue. Sibelius part dans un langage très personnel. Sa musique échappe à toute forme habituelle, Sibelius invente la forme "organique" : Des cellules qui se transforment et essaiment la partition. On est au royaume du non-dit. Sibelius va au bout de ce système dans sa fascinante
quatrième symphonie, une oeuvre que je qualifierais de lunaire, et dans le difficile poème symphonique
Tapiola. Je conseille deux oeuvres de cette période qui sont moins ardues, mais aussi géniales et qui sont parmi mes préférées du maître finlandais : La
sixième symphonie, écrite dans le magnifique mode dorien, et le poème symphonique
Les Océanides, avec sa fascinante ambiance des abysses.
La
cinquième symphonie est la plus populaire et objectivement peut-être la plus accessible de cette période, mais je l'aime moins.
Pour les symphonies 4, 6 (et
Tapiola) les versions de Karajan sont des références absolues. Enregistrer Sibelius dans les années 60 ou 70 n'était pas si courant, et dans Sibelius comme dans Richard Strauss, Karajan échappe aux défauts de nombre d'enregistrements des sa carrière "commerciale".
Pour finir un disque magnifique de Paavo Järvi : Des cantates peu connues. On y trouve aussi le tube
Finlandia, mais la version avec choeur (rarement jouée) rend à ce poncif toute sa dimension.