Steven Wilson - The Raven That Refused To Sing...

Steven Wilson The Raven That Refused To Sing (and other stories)



En 2011, à la sortie de Grace For Drowning, Steven Wilson décide de porter sur la route la musique de ses deux albums en solo. Entouré d'une bande de coquins, moins mercenaires que sidemen, il passe un tellement bon moment qu'il décide de ne pas en rester là et s'attèle à la création d'un album taillé sur mesure pour la démesure de ces redoutables musiciens. L'inspiration vient vite et 18 mois après la sortie du précédent opus, The Raven That Refused To Sing (and other stories) est déjà dans les bacs.

Le mot "inspiration" peut d'ailleurs être vu sous deux angles : le talent, bien entendu, qui permet à Wilson d'accoucher de pépites mémorables, mais aussi l'inspiration des "Grands Anciens", les ténors du rock progressif des années 70, dont pour certains, il vient de remixer le catalogue (King Crimson, Emerson, Lake & Palmer, Caravan, Jethro Tull...). Et nul doute que la fréquentation de ces Saintes Écritures a pu lui fournir matière à ce qui est déjà un nouveau classique du genre ! Il est d'ailleurs le premier à reconnaître ces influences, voire ces emprunts... Et histoire d'achever le parallèle évident avec Yes et Genesis, l'album est, évidemment, un concept-album, tournant autour d'histoires de fantômes (on notera à ce propos la remarquable édition limitée qui se présente comme un livre de contes) !

The Raven That Refused To Sing (and other stories) est un album plus compact que son prédécesseur : six morceaux, moins d'une heure, avec un remarquable équilibre entre morceaux courts et morceaux longs. L'entrée en matière ne laisse aucun doute : l'infernale section rythmique tenue par Marco Minnemann et Nick Beggs rappelle immédiatement le couple Alan White/Chris Squire, et l'arrivée des voix enfonce le clou, faisant immédiatement écho à la mélodie et au débit de "Tempus Fugit", de Yes (sur l'injustement mésestimé Drama), à tel point que lorsqu'ils chantent "to come so far but end up returning to dust", on entend presque "to navigate waters and finally answer to-yes" ! La suite nous fait naviguer entre des mélodies mélancoliques typiquement "wilsonniennes" et des passages renversant d'énergie et de virtuosité, en évitant toute la vacuité et la vanité que l'on aurait pu attendre d'un tel déferlement ! Et arrive ce passage en suspension que l'on croirait tiré du dernier Änglagård,, cette montée de mellotron qui fait venir les larmes ! En 12 minutes, le ton est donné !

"Drive Home" est de l'étoffe des plus belles ballades de Steven Wilson. Un premier couplet avec une voix légèrement déformée (à l'auto-tune, semble-t-il), un refrain beau à pleurer, et un solo de guitare mémorable, tout en lyrisme, d'abord contenu puis éclatant, de Guthrie Govan... le morceau est tout simplement bouleversant ! A peine le temps de se remettre de ses émotions que tonne déjà "The Holy Drinker", nouvel epic furieux, qui débute sur un chorus de sax furibard (Theo Travis à son sommet) et qui trouve son apogée dans un chorus d'orgue Hammond très intense, rappelant ELP et exécuté par Adam Holzman (qui dans les années 80 jouait avec Miles Davis). Après "The Pin Drop", titre le plus court, mais non dénué d'intensité pour autant, "The Watchmaker" est le dernier morceau typiquement prog et probablement le sommet de l'album. Tout commence par des arpèges que l'on jurerait tiré d'un morceau de Steve Hackett... Une mélodie très mélancolique, une histoire qui n'est pas sans rappeler l'histoire de "The Tell-Tale Heart" ("Le Coeur révélateur"), d'Edgar Allan Poe, cette atmosphère typiquement victorienne que l'on retrouve chez Genesis, au moins entre 1970 et 1977. Govan se fait à nouveau remarquer avec un solo de guitare ravageur et le final, titanesque, ne doit plus grand chose au prog, mais plutôt à une vision très personnelle du metal selon Wilson : une rythmique écrasante, une explosion de batterie quasi-vanderienne, et ces mots martelés, "Cogs and levers mesh/We are bound in death/Melt that silver down/I'm still inside you", ou quand la terreur devient palpable ! Époustouflant, presque... éprouvant !

L'album se termine sur le morceau-titre, une ballade à nouveau très triste mais d'une certaine façon assez lumineuse... Une chanson calme, simple, qui gagne petit à petit en puissance (la montée des cordes, caractéristique du style) tandis que Wilson nous crève le cœur une dernière fois : "Sing to me, raven/I miss her so much/Sing to me, Lily/I miss you so much"...

Il est clair que cette fois, Steven Wilson a décidé de se faire plaisir et de faire plaisir à ses musiciens en leur offrant un écrin leur permettant de s'épanouir en toute liberté. Il n'a pas cherché à inventer, plutôt à rendre hommage (en allant volontairement jusqu'au plagiat)... Mais au-delà de ce qui aurait pu n'être finalement qu'un exercice de style, il a su insuffler à cette musique toute sa personnalité, sa mélancolie, son génie mélodique, à tel point qu'on finit par oublier les emprunts. Wilson a signé avec The Raven That Refused To Sing son Dark Side Of The Moon (et pas seulement parce que Alan Parsons en est le co-producteur) : peut-être pas son meilleur album, mais certainement son plus parfait.

Chouette chro ! Cet album c'est mon avatar, c'est pour dire... On verra avec le temps, mais j'ai presque envie de mettre ce disque au sommet de mon Panthéon, LE disque de l’île déserte quoi.

Superbe Chro !! L'album est renversant !!

Effectivement, excellente chronique. L'album est très bon mais le bonhomme commence à m'énerver avec ses plagiats et Drive Home et The Pin Drop, je suis moins fan...

Mais bon, The Holy Drinker en live, ça vaut son pesant de cacahuètes !

Album réussi pour un artiste qui a un sens aigu de la production, certains morceaux sont carrément excellents. Par contre, une fois encore, il n'est aucunement question de génie en ce qui me concerne.

Chris a écrit:

Album réussi pour un artiste qui a un sens aigu de la production, certains morceaux sont carrément excellents. Par contre, une fois encore, il n'est aucunement question de génie en ce qui me concerne.

oui pour moi aussi, un génie Steven ??? non, faut pas exagérer, il fait de bons disques, mais ce ne sont pas des chefs d'oeuvres comme j'ai pu en écouter dans les 70's

Yves a écrit:

non, faut pas exagérer

Grande zoreilles approved

D'accord avec Chris, c'est vraiment excellent, les morceaux sont tip top mais ce n'est pas du génie !

Attention, je n'ai pas écrit que Steven Wilson est un génie ! Par contre, oui, génie mélodique, dans le sens où, quand il ouvre la goule, il sort un truc beau (comme McCartney et ABBA, quoi) ! Mais je suis d'accord, Wilson n'est pas un génie...

D'ailleurs, je ne connais qu'un seul génie :

Du coup c'est quoi un génie?

C'est un mot délicat à utiliser, c'est toujours source de débat mais perso je le vois quand même bien comme un artiste de génie je dirais. Ca dépasse le monde du prog à mes yeux aussi. Ses plagiats, bof, si c'est dérangeant sur The Skies Move Sideways (et j'adore cet album), c'est fait avec style et il a largement transcendé ça je trouve! Son dernier album là est fortement inspiré/influencé par les classiques mais pour autant, il n'est pas dans le "retro prog", ça reste du pur Steven Wilson, genre "Luminol", "The Watchmaker", qui compose des titres comme ça aujourd'hui?

En tout cas, à notre époque, j'en vois peu à mettre dans la catégorie "génie"... Vous pensez à qui?

Déjà pour moi le mot génie s'applique plutôt au domaine scientifique qu'au domaine artistique. Car si tout le monde peut s'accorder sur le fait qu'une invention est effectivement nouvelle et apporte quelque chose, c'est aussi plus délicat lorsque l'on s'attaque à un domaine plus subjectif comme la musique.

Donc pour moi il faudrait vraiment inventer quelque chose pour être un génie, mais on est d'accord qu'il y a plein de nuances afin de définir qui en est ou pas. Steven Wilson réutilise beaucoup d'éléments existants mais effectivement les compos il faut les créer. Et ce n'est quand même pas à la portée de tout le monde de composer les titres cités par Ommadawn juste au dessus.

Entièrement d'accord avec Joss !!

Sans compter qu'il ne me semble pas avoir entendu d'histoires de Wilson sortant d'une lampe et exauçant des vœux. Ça n'est qu'un petit élément de plus à votre thèse en construction mais si je peux rendre service ... Humblement ...

Un génie, c'est par exemple Varèse, Zappa, John Coltrane, ou, ça je le dis et personne ne sera d'accord avec moi, Sigur Ros.

Ange, qui est un de mes groupes favoris, je ne dirais pas que ce sont des génies, même si ce sont de grands musiciens avec des compos énormes !

Two-Suns-In-The-Sunset a écrit:

Un génie, c'est par exemple Varèse, Zappa, John Coltrane, ou, ça je le dis et personne ne sera d'accord avec moi, Sigur Ros.

Ange, qui est un de mes groupes favoris, je ne dirais pas que ce sont des génies, même si ce sont de grands musiciens avec des compos énormes !

Sans doute pour ces exemples mais c'est pas tout jeune tout ça Mais dans les auteur-compositeurs récents?

(Pour les anciens encore en activité, je vote Peter Hammill! )

Ça va finir en débat stérile : le génie pour l'un est un escroc pour l'autre... Y a pas plus subjectif !

Kyuss a écrit:

Ça va finir en débat stérile : le génie pour l'un est un escroc pour l'autre... Y a pas plus subjectif !

Certes, mais Jimi Hendrix est un génie ...

C'est pas faux !

Sinon, vous avez fini de saloper mon beau topic ?

Ehn Deïss a écrit:

Sinon, vous avez fini de saloper mon beau topic ?

on le salope pas, on le fait vivre, nuance

Superbe chronique qui m'a conduit à acheter l'album la semaine dernière.
Je trouve qu'il est fabuleux, je l'ai écouté plein de fois, une vraie drogue

Olivier a écrit:

Superbe chronique qui m'a conduit à acheter l'album la semaine dernière.
Je trouve qu'il est fabuleux, je l'ai écouté plein de fois, une vraie drogue

Ah, tu me fais plaisir, là !

Olivier a écrit:

Superbe chronique

Ehn Deïss a écrit:

Ah, tu me fais plaisir, là !

Quel égo surdimensionné !

Oui.