Riverside Shrine Of New Generation SlavesQuand
Riverside est arrivé sur la place en 2002, on se souvient de la forte impression laissée par cette musique qui rappelait tout aussi bien
Anathema et
Opeth que
Marillion et
Pink Floyd. Deux beaux albums,
Out Of Myself et
Second-Life Syndrome, présentaient des musiciens très compétents, dont un guitariste "gilmourien" en diable et un chanteur-bassiste au beau timbre chaleureux et mélancolique. Le danger qui guettait toutefois le groupe était de se répéter, ce qu'il ne manqua pas de faire sur l'album suivant,
Rapid Eye-Movement, prisonnier qu'il était d'un concept sans doute un peu trop étiré sur la longueur... Étrangement, à la réécoute, c'est ce dernier album qui supporte le mieux l'épreuve du temps, la faute à une production un peu légère qui a fait vieillir un peu prématurément les deux premiers albums.
Conscient qu'un album de plus dans cette direction allait finir par poser problème, le groupe sut prendre son temps,
Mariusz Duda en profitant d'ailleurs pour former un combo parallèle plus atmosphérique,
Lunatic Soul. Bien leur en prit car
Anno Domini High Definition proposa en 2009 une véritable refonte du "son
Riverside", beaucoup plus personnel, autour d'une écriture plus efficace.
Il aura fallu attendre près de quatre ans pour pouvoir mesurer la capacité d'évolution du groupe polonais. Et évolution il y a, à n'en pas douter !
Riverside continue d'élaguer. Ce qui frappe d'emblée, c'est la simplicité apparente des morceaux : des riffs facilement identifiables, de belles mélodies touchantes, pas de longues introductions planantes, le versant "floydien" ayant quasiment disparu. Même si
Shrine Of New Generation Slaves propose un beau son de groupe, on constate assez vite que la musique tourne beaucoup autour de la basse et de la voix de
Duda : ce chanteur pourrait d'ailleurs vous fendre le cœur en chantant le programme télé, tant son timbre est magnifique ("The Depth Of Self-Delusion", "We Got Used To Us"). Une basse très en avant donc, tellement qu'on en compte quatre superposées sur "The Depth Of Self-Delusion" ! Il est évident que l'épisode
Lunatic Soul a grandement orienté la direction de ce nouvel album. Toutefois, si la lisibilité s'est encore améliorée, les compositions restent très riches, parfois sinueuses : "Celebrity Touch", par exemple, a beau être basé sur un riff simple, il prend à mi-chemin une direction beaucoup plus atmosphérique. Et
Shrine Of New Generation Slaves se temine sur deux des plus belles compositions du groupe. "Deprived (Irretrievably Lost Imagination)", tout d'abord, plus de huit minutes en apesanteur, un solo de moog digne de
Rick Wright, un très beau chorus de saxophone soprano, un passage à la
Tangerine Dream, tant d'éléments qui auraient pu mener à l'indigestion alors que tout coule naturellement. Et cette voix si bouleversante ! "Escalator Shrine" ensuite,
magnum opus de 12 minutes, battant le chaud et le froid en permanence. Une ligne de basse groovy sur un lit de Fender Rhodes (une réminiscence du "Sheep" du vieux
Floyd ?), de belles parties de guitares (
Piotr Grudziński a considérablement gagné en rigueur rythmique dans ses solis depuis les débuts du groupe), et un morceau qui prend de plus en plus d'ampleur, passant du metal-prog au heavy pour aboutir à un final dantesque dont certaines sonorités synthétiques ne sont pas sans rappeler...
Dead Can Dance (période
Into The Labyrinth). Et comme pour le morceau précédent, tout se passe dans la plus grande fluidité ! La conclusion idéale d'un album très riche et toujours passionnant. Et contrairement aux deux premiers albums, les sonorités très vintage des claviers devraient empêcher
Shrine Of New Generation Slaves de vieillir trop vite... Dix ans après son premier album,
Riverside a su évoluer vers une plus grande simplicité, l'épure d'un style qui n'a pas pour autant perdu de sa capacité à surprendre et à émouvoir.
A noter que l'édition limitée, superbe digibook, propose deux morceaux bonus, improvisations nocturnes très portées vers la musique planante électronique des années 70. Édition limitée à ne pas manquer, donc !