Iron Maiden The Final Frontier Soyons honnête : après
Seventh Son Of A Seventh Son (1988), les albums d'
Iron Maiden se sont suivis, souvent bons, mais à aucun moment je n'ai retrouvé le génie des sept premiers opus qui représenteront toujours l'âge d'or du groupe. Même le retour de
Bruce Dickinson pour l'album
Brave New World ne m'avait pas vraiment emballé (je lui préfère largement
The X Factor).
A Matter Of Life And Death m'avait toutefois fait dresser l'oreille : certes, quelques morceaux étaient comme toujours trop banals ("Different World") ou certains refrains trop répétitifs ("For The Greater Good Of God"), mais on remarquait aussi une vraie volonté d'explorer de nouveaux territoires ("Lord Of Light", "The Legacy", "The Resurrection Of Benjamin Breeg"). Une vraie bonne surprise pour un disque enfin consistant !
Trente ans tout juste après la sortie d'
Iron Maiden, premier album du groupe, qu'allait donc nous réserver
The Final Frontier ? La première écoute étonne : "Satellite 15", une demo d'
Adrian Smith utilisée quasiment telle quelle, est totalement inédite chez
Maiden ; c'en est même une révolution, car les récents albums (depuis 1998) commençaient tous par un court morceau, efficace mais, disons-le, peu intéressant ! Cette introduction a en plus le mérite de donner à l'album une esthétique (confirmée par la pochette) qui marque un retour au futurisme de
Somewhere In Time.
Les hostilités commencent vraiment avec la deuxième partie de la première piste, "The Final Frontier" : le morceau est direct, avec un pré-chorus et un refrain entêtant, ainsi qu'une belle passe d'arme entre les guitares. Après un final apocalyptique très typique du
Maiden des 80's, "El Dorado" commence lui aussi dans un énorme fracas ; là encore, le morceau est efficace, mais on remarque toutefois des lignes vocales étonnantes. Jusqu'ici, ce n'est pas la révolution, mais il s'agit de la meilleure ouverture depuis
The X Factor !
La suite va rapidement nous mener vers des territoires moins typiques du groupe. "Mother Of Mercy" nous présente une belle power-ballad qui n'aurait pas déparé sur
Accident Of Birth de
Dickinson. Excellent refrain qui pourrait faire un malheur en live (et quel final). "Coming Home" poursuit dans la même veine (power-ballad à la
Bruce, façon "The Chemical Wedding"). Petite surprise : le premier solo de guitare n'est pas sans rappeler celui de "Strange World" (
Iron Maiden), jusqu'aux arpèges à l'arrière avec effet "flanger". Magnifique ! Et encore un hymne ! La première partie de
The Final Frontier se clôt sur le morceau le plus rapide de l'album : "The Alchemist" est un de ces titres un peu passe-partout, mais qui fonctionne vraiment très bien.
Fin de la première partie, donc... Car après cette salve de chansons relativement courtes (même si "El Dorado" approche des sept minutes), voici venir le plat de résistance : cinq pavés dont le plus court atteint quasiment la barre des huit minutes ! Le reste du programme sera donc progressif !
"Isle Of Avalon" (9'06) est sans nul doute un des chefs-d'oeuvre de
Maiden toutes périodes confondus : une longue intro planante et assez magique (avec quelques effets spéciaux stéréophoniques) fait monter la pression jusqu'à l'explosion libératrice. Un
Bruce en très grande forme, des lignes mélodiques terribles et, incroyable, une courte jam quasi-psychédélique en guise de deuxième solo ! Superbe réussite dans la lignée, carrément, de "Seventh Son Of A Seventh Son" !
Le morceau suivant, "Starblind", tout aussi savoureux, poursuit dans la même veine, à savoir un
Iron Maiden progressif à son plus haut niveau. Une intro poignante de
Bruce et c'est parti ! A noter un rythme de batterie étrange, syncopé, inhabituel. Un refrain en deux parties, la deuxième rappelant très fortement "Infinite Dreams" (
Seventh Son Of A Seventh Son). Probablement l'un des morceaux les moins accessibles du disque.
Arrive ensuite "The Talisman", qui est un nouveau
magnum opus de neuf minutes. Une intro aux accents médiévaux nous conduit au milieu d'un océan déchaîné. Cavalcades de guitares et de basse, chant stratosphérique avec encore des mélodies qui font mouche. Un titre assez classique mais irrésistible, tant le
drive est infernal (sur la deuxième partie du refrain, on se croirait à la proue d'un navire, fouetté par les embruns).
"The Man Who Would Be King" est l'habituelle contribution de
Dave Murray aux albums d'
Iron Maiden. Habituelle ? Non, justement ! Il s'agit même du titre le plus difficile d'accès, riche en rebondissements. Une intro atmosphérique typique de tous les morceaux signés
Murray précède une nouvelle chevauchée fantastique, avec refrain à deux vitesses (dont un pré-chorus génial). On est en terrain connu, sauf quand arrive ce break complètement dingue, à la fois planant et barré : effet garanti ! Beau final, émouvant...
Il aura fallu attendre la toute fin de l'album pour écouter le seul titre de
Steve Harris. Du haut de ses 11 minutes, il reste dans la lignée de tous les titres progressifs du bassiste. Pas vraiment original, "When The Wild Wind Blows" déçoit à la première écoute. Mais petit à petit, il se révèle indispensable : après une première partie presque guillerette, on bascule dans des ambiances plus inquiétantes par le biais de très gros riffs (on notera l'habituel
an dro à la 5ème minute) et d'un groove imparable. Musicalement, on n'est pas loin de "The Rime Of The Ancient Mariner".
Il arrive souvent que l'on dise de tel ou tel album d'
Iron Maiden qu'il est le meilleur depuis
Seventh Son Of A Seventh Son. C'est d'ailleurs ce que je pensais de
A Matter Of Life And Death. The Final Frontier est pourtant au-dessus et cette fois, il renoue avec la grandeur des disques de années 80. Pas de déchet, des passages, voire des morceaux entiers originaux, une excellente production (avec cette fois, une mastérisation, signée
Bob Ludwig, en plus) et énormément d'énergie à revendre. Les musiciens sont au sommet de leur forme, en particulier les trois guitaristes qui renouvellent la palette sonore du groupe.
Bruce Dickinson est comme d'habitude impressionnant de maîtrise tout comme le couple basse-batterie. Progrès notable : les textes sont meilleurs qu'à l'accoutumée (bon, ce n'est pas du
Dylan, quand même) ; on évite pour la première fois depuis très longtemps (depuis 1992, en fait) les refrains de quelques mots répétés vingt fois (par exemple "No More Lies", "Brave New World" et autres "Fortunes Of War" ou "Don't Look To The Eyes Of A Stranger"), les pré-chorus et chorus d'un morceau contiennent souvent des variations, évitant le copier-coller et
Steve Harris réussit même à ne pas tomber dans le premier degré systématique (sauf sur "When The Wild Wind Blows") !
Je n'attendais plus grand chose d'
Iron Maiden, sinon quelques albums agréables, et voilà qu'ils pondent leur meilleur disque depuis 22 ans, et surtout un très grand disque tout court ! Chapeau bas ! Je suis parti pour une rechute de Maidenïte aiguë...