Marillion Happiness Is The RoadOh, que ce pavé a été difficile à appréhender ! Il aura fallu une bonne douzaine d'écoutes pour se rendre à l'évidence : avec
Happiness Is The Road,
Marillion vient de nous sortir un de ses tout meilleurs albums !
Et pourtant, rien ne semblait acquis, tant la première partie,
Essence, marquait par... la lenteur de son déroulement, voire son incroyable molesse ! Et ce ne sont pas les vilains fichiers hyper-compressés fournis par le groupe qui auraient pu venir infirmer cette évidence !
Mais voilà, en glissant les deux galettes dans le lecteur CD, on se rend compte que la qualité sonore de la bête est époustoufflante : extrêmement dynamique (peu de compression, et avec donc de vraies nuances à condition de tourner le bouton de volume un peu plus qu'à l'accoutumée), une image en relief, très fouillée, précise, permettant de s'immerger dans une musique à la richesse insoupçonnée.
Et finalement (comme d'habitude !), le charme de
Marillion fait son oeuvre, séduisant petit à petit l'auditeur en lui faisant découvrir "l'essence" de ses chansons, d'abord par petites touches : une jolie mélodie par-ci ("Wrapped Up In Time", "Liquidity"), un crescendo par-là ("This Train Is My Life", "Essence")... Jusqu'à réaliser que l'album s'est imprimé profondément en vous ! Plus question de parler de molesse, tant cette première partie se révèle dense et tendue, faisant monter petit à petit la pression jusqu'à cette explosion de joie qu'est "Happiness Is The Road" ("le bonheur n'est pas au bout du chemin, c'est le chemin qui est le bonheur") ! Par sa finesse,
Essence n'est pas sans rappeler
Brave, ce lent et bouleversant cheminement intérieur de l'obscurité vers la lumière...
The Hard Shoulder, le deuxième disque, s'avère assez différent, offrant plus de diversité et de puissance (le fait que, cette fois, les morceaux ne soient pas liés par un concept permet sans doute plus de liberté dans les styles abordés).
Marillion s'offre le luxe de passer sans vergogne du prog ("Asylum Satellite #1" et sa deuxième partie en forme de plongée en apnée très "floydienne") à la pop efficace ("Whatever Is Wrong With You"), sans oublier ces petits bijoux de concision qui touchent au coeur ("Older Than Me", "Throw Me Out") ou ces envolées typiques du groupe, toujours aussi bouleversantes ("Real Tears For Sale", nouveau "King" ?). Si
Essence rappelait
Brave,
The Hard Shoulder est sans doute à rapprocher de
Afraid Of Sunlight et
Anoraknophobia : puissance, émotion et variété stylistique !
A noter que la musique de ce double-album est particulièrement compacte, aucun musicien ne prenant le pas sur les autres : bien sûr,
Steve Hogarth chante magnifiquement, mais
Pete Trewavas et
Ian Mosley ne sont pas en reste, formant l'une des paires rythmiques les plus fines du moment : à ce titre d'ailleurs, le jeu de
Mosley, dont on souligne souvent (et à tort) la paresse, est d'une rare subtilité (ah, ces
ghost notes !), bien plus inventif qu'il n'y paraît. Quant à
Mark Kelly et
Steve Rothery, responsables de la luxuriance de l'album, ils déploient un panel de sonorités fouillées et détaillées proprement ahurissant (rendons justice à Michael Hunter pour avoir su si bien les mettre en valeur) !
Dernière chose :
Happiness Is The Road est disponible en import US, mais surtout sur le site du groupe (
ici). La version "Deluxe Campaign" est évidemment à privilégier : deux livres reliés et superbement illustrés de 96 pages dans un coffret cartonné, prolongement visuel de la musique.
Encore une fois,
Marillion n'en fait qu'à sa tête et l'air de rien, après le chef-d'oeuvre
Marbles et le délicat (et ô combien sous-estimé)
Somewhere Else, nous offre un
magnum opus qui a tout pour devenir un classique du groupe !