Nosfell -
Amour MassifÉtant amateur quasi-inconditionnel de la musique de
Nosfell, je dois reconnaître avant propos que c’est sur scène que le déclic a eu lieu. J’avais apprécié son premier album, un folk aux couleurs ethniques des plus efficaces, à goûter absolument en CD et DVD avec son concert au Botanique de Bruxelles en 2005. Son 3ème éponyme, plus musclé mais fidèle à une inspiration libre et pluriculturelle m’avait également très impressionné. Et que dire de sa collaboration avec
Philippe Decouflé sur le spectacle
Octopus (musique écrite et jouée live à chaque représentation) qui mettait en évidence que
Nosfell est un artiste avant d’être un musicien.
La scène alimente cette hypothèse. A la fois, conteur, acteur, interprète chamanique, danseur contemporain, il nous emmène aux confins de Klokochazia et nous assure un voyage totalement dépaysant, un spectacle étonnamment vivant où des personnages quasi-mystiques se tutoient dans un espace fantasmé où le temps semble être suspendu.
Amour Massif est donc son quatrième album solo si on occulte l’Opéra
Octopus et
Le Lac aux Vélies (relecture classique de titres de ses 2 premiers albums), près de 5 ans d’attente depuis son
Nosfell produit par
Alain Johannes, proche des
Queens Of The Stone Age et les participations remarquées de
Josh Homme,
Brody Dalle et
Daniel Darc.
Amour Massif marque donc la fin de son triptyque « klokochazien », 3 disques essentiellement chantés en klokobetz, langue imaginaire inventée par
Nosfell, mais aux règles grammaticales drastiques. De son propre aveu, il ne voulait pas que ce langage devienne une marque de fabrique, l’enferme dans une forme d’obligation et qu’il finisse par le caractériser définitivement. De plus, toujours selon ses dires, les personnages hantant l’univers de Klokochazia « étaient arrivés à un point de non-retour ».
Amour Massif est un album qui parle d’Amour, ou plutôt d’histoires amoureuses comme le souligne
Nosfell lui-même.
Musicalement, les amateurs le savent,
Nosfell ne fait jamais 2 fois le même disque. Ce dernier ne déroge pas à cette règle. Et si l’introduction
Lj koliv, chantée en klokobetz, nous renvoie directement dans le passé de l’artiste, il s’agit là d’un contre-pied, un ultime hommage cérémoniel. La suite nous montre une facette apaisée, presque candide de l’artiste, visiblement heureux et amoureux avec toujours le souhait intact d’aller là où on ne l’attend pas. Il y a bien des titres qui rappellent le génial
Pomaie Klokochazia Balek, notamment l’entêtant
Fathers & foes et son refrain particulièrement fédérateur mais globalement l’ensemble sonne résolument nouveau.
Ces nouvelles aventures sont difficiles à appréhender car il s’agit en premier lieu de passer outre ce que l’on croit savoir du bonhomme. Une première impression de simplicité mais chaque nouvelle écoute met un coup de projo sur des arrangements disséminés de toute beauté. De plus,
Nosfell s’est permis absolument tout sur ce nouveau disque, des moments de vérité poignants,
Amour,
Cannibale,
Dans des chambres fantômes, portés par l’orchestration superbe et discrète du Trio
Journal Intime et par sa voix et son interprétation définitivement au-dessus de la mêlée. Des chansons assez poppy aussi, déstabilisantes au premier abord, comme
Sur la berge, portant parfaitement un instant amoureux béat et puéril.
Ce qui est étonnant, c’est que malgré la variété des thèmes musicaux proposés, il se pourrait bien que cet album lui ouvre les portes d’un succès tardif mais pleinement mérité, tant il constitue une issue vers l’apaisement, la quiétude dans un verbe poétique et immaculé, presque vierge. Certains seront attristés de perdre ce qui faisait de
Nosfell un extra-terrestre toujours sur le fil, sa forme unique d’expression artistique. De mon côté, je préfère me concentrer sur la trajectoire libre et pleine de courage d’un artiste qui se réinvente à chaque fois.
Nosfell réussit haut la main avec
Amour Massif son « nouveau premier album » et à l’écoute de ce disque, la curiosité grandit de vérifier sur scène si la magie de ce prestidigitateur patenté opère toujours.