Pink Floyd

The Piper at the Gates of dawn: mythe ou réalité?





Avec les années , chacun le sait, le Piper est devenu un album culte. Cité comme une référence bien plus qu'il n'est écouté au final, il reste souvent l'album préféré de ceux qui n'aiment pas Pink Floyd, utilisant régulièrement cet album pour le comparer au style "pompeux" , "pédant" et "ennuyeux" que le groupe a développé par la suite. Dés lors, plusieurs questions se posent: ce disque est-il réellement un incontournable du rock?Que serait devenu Pink Floyd sans cet album, et sans le génie de Barrett? Et que serait devenu cet album sans la réussite commerciale (et artistique) du Floyd?

Mais au fond, même si ces questions sont intéressantes, on se rend bien compte qu'il est impossible d'y répondre. Mieux vaut donc s'intéresser à la qualité de cet album et au talent de Syd Barrett et des autres membres.

Ce disque, je l’avoue, n’a jamais figuré parmi mes préférés, tant il est éloigné de l’univers floydien (même si celui-ci est assez difficile à définir), et tant la prédominance de Syd dans les compositions semble évidente. En décidant de chroniquer cet album, j’avais donc bien l’intention, sinon de le « démonter »,ou tout au moins d’en exposer les failles. A commencer par la pochette, dénuée d’intérêt et caricature du psychédélisme de l’époque (l’une des seules pochettes qui ne fut pas réalisée par le génial Storm Thorgerson et Hypgnosis). J’insère donc le disque dans la platine, et ouvre de grandes z’oreilles toutes prêtes à la critique. Et là, surprise ! Je n’ai rien à redire : cet album est un monument, qui devrait être interdit d’écoute au large de Marennes-Oléron, surtout à la veille de Noël. Tout d’abord, il est exceptionnel de par sa cohérence : le thème des contes et légendes, oscillant entre univers enfantin et cauchemardesque, est parfaitement bien développé tout au long du disque. Même si les titres ne s’enchainent pas, on peut considérer le Piper comme le premier album concept de Pink Floyd.
Ensuite, les titres sont quasiment tous d’une redoutable efficacité ; si les bases de chaque morceau sont en général très simples (écoutez le riff de guitare d’Interstellar ou la rythmique de Lucifer Sam pour vous en convaincre), c’est dans les arrangements que l’album tire toute sa richesse. Chaque note, chaque son nous invitent ainsi à découvrir des univers divers et colorés, toujours à la limite du bancal sans jamais se perdre totalement.
Pour parvenir à de telles atmosphères, Syd Barrett a développé des thèmes qui lui étaient chers sur une bonne partie de l’album, et a pris les rennes du groupe qui en a fait pour un temps son « leader ». Pourtant, ce sont dans les titres composés collectivement Pow R Toc H, Interstellar) que Pink Floyd prouve l’étendue de son génie. Que seraient Flaming ou Chapter 24 sans les coups de cymbale bien sentis de Mason, Pow R Toc H sans le piano somptueux de Wright. Quant à Waters, il nous offre "Take up thy stethoscope and walk" qui n’a rien à envier aux meilleurs titres de Syd. Le Piper est donc bien plus une œuvre collective qu’il y paraît au premier abord, et la cohésion entre les musiciens y est impressionnante.

Pourquoi, alors, le Piper ne fait-il toujours pas partie des favoris du Floyd ? est-ce parce que ce disque se dévoile trop rapidement et retombe un peu sur les derniers titres, à partir de the Gnome ? Ou parce qu’il est trop ancré dans une époque aujourd’hui révolue ? Peut-être tout simplement parce que les thèmes ne me touchent pas vraiment, et qu’il me manque un élément essentiel qui sera développé dans les albums solo de Barrett comme dans toute l’œuvre du Floyd : l’émotion. Mais bien sûr, cet avis très subjectif n’enlève rien à la qualité de cette œuvre grandiose.[/img][img]

1968 : un groupe naissant aux titres prometteurs se réveille d’une sale gueule de bois. Trop de drogues, de rêves et d’incapacités à les gérer : Syd Barrett, le principal compositeur de Pink Floyd, ne peut plus assumer le groupe. Ses membres en excluent donc le génie, dont un seul titre, Jugband Blues, figure sur le nouvel album, a saucerful of secrets. Un titre où Syd exprime clairement à l’auditeur qu’il a conscience de son destin éphémère au sein du Floyd .( It's awfully considerate of you to think of me here/ And I'm most obliged to you for making it clear/That I'm not here ..........And I'm wondering who could be writing this song)
Dés lors, pourquoi avoir choisi de conserver ce titre ? En raison de la qualité du morceau ? Pour rendre un dernier hommage à leur compagnon ? Ou pour mettre plus clairement en évidence l’évolution musicale prise par les autres musiciens sur le reste de l’album. Peut-être tout cela à la fois, finalement.
Les autres membres vont donc devoir assumer le bébé tout seuls, (aidés en cela par un ami de Syd, David Gilmour) et prouver qu’ils en sont capables. La tâche est rude, d’autant qu’on sent ici que le groupe n’ayant plus réel leader n’a pas non plus de thème fédérateur . C’est d’ailleurs ce manque de cohérence qui saute aux z’oreilles lors de la première écoute . Alors que les titres du Piper se suivaient à merveille, on a droit ici à sept morceaux sans lien apparent qui s’enchainent, pour tout dire, assez mal.

Passée cette impression, il convient de s’intéresser aux morceaux individuellement. Et le premier titre « Let there be more light », avec son accord de basse entêtant, donne le ton ; si le thème n’est pas des plus passionnants (l’arrivée d’extraterrestres sur la Terre), la musique, elle, est angoissante et hypnotique à souhait. Set the controls for the heart of the sun distille une superbe ambiance moite et mystérieuse. Ce titre qu’affectionne particulièrement sera encore joué lors des récentes tournées. « Corporal Clegg » est une chanson satirique, premier hymne antimilitariste du sieur Roger,pleine d’humour noire (Corporal Clegg received his medal in the dream/ from her majesty the queen/ His boots were very clean) Quant au titre éponyme, c’est un morceau apocalyptique et violent, peu facile d’accès, mais très riche et porteuse d’imaginaire. Ce morceau prendra toute son ampleur en live, notamment grâce à la voix aèrienne de David Gilmour sur Celestal voices, la troisième partie du morceau.
Enfin, Remember a Day est une magnifique ballade, délicieusement sulfureuse, qui sera très largement sous-estimée. Ce chef-d’œuvre composé par Rick Wright demeure l’un de mes titres favoris de la période pré Dark Side of the Moon .

En bref, si la musique du groupe perd en intensité et en cohérence, elle gagne à mon avis en émotion A l’image de la très belle pochette réalisée par Storm Thorgerson, A Saucerful of secrets se révèle être un magnifique collage d’idées, de sensations et d’univers différents.

C'est aussi l'album préféré de Nick Mason!