Aux débuts des années 60,
Gary Brooker (chant, piano)
Robin Trower (guitare) et
B.J. Wilson (batterie) formèrent
THE PARAMOUNTS influencé, comme beaucoup de groupes britanniques, par le R&B américain. Leur premier single, sorti en 1963, était une reprise de "The Poison Ivy" des Coasters. Le groupe ne gagnant pas le succès espéré, Gary Brooker décida d'écrire ses propres chansons, aidé de
Keith Reid, qui deviendra son fidèle parolier.
THE PARAMOUNTS devinrent
PROCOL HARUM et un an plus tard, à l'été 1967, furent propulsés #1 dans les charts avec le titre "A Whiter Shade Of Pale". La ligne d'orgue de la chanson s'inspire de deux pièces de Jean-Sébastien Bach, la sinfonia en fa majeur de la cantate Ich steh mit einem Fuß im Grabe (BWV 156) et la Suite pour orchestre no 3 en ré majeur (BWV 1068). C'est également un hommage à Percy Sledge. Ce titre leur collera éternellement à la peau ...
PROCOL HARUM fait partie de ces groupes ayant réussi à créer une fusion unique entre la musique classique et le rock. On les compare - et les confond parfois - avec The Moody Blues.
Procol Harum (1967)
Le premier album (éponyme) comprenait le noyau de THE PARAMOUNTS: Brooker, Trower et Wilson, rejoints par le bassiste
Dave Knights et un nouveau membre ayant son importance, l'organiste
Matthew Fisher.
Dans l'édition originale anglaise, le single "
A whiter shade of pale" était absent, contrairement à la version sortie outre-atlantique.
Un premier album réussi, encore aux couleurs des sixties (blues, R&B, psychédélisme, folk) et avec des influences de musique classique (bien sûr Bach mais aussi Tchaikovsky), il contient deux titres très réussis : "
Conquistador" et "
Homburg" qui deviendront des classiques du groupe en concert. "Conquistador" était en réalité une composition de Brooker à l'origine écrite pour The Beach Boys en 1966.
Shine On Brightly (1968)
Deux pochettes : à gauche UK - à droite USA
"
Les principaux membres de Procol Harum n'avaient décidément rien de simples opportunistes en quête de gloire superficielle et éphémère : le chanteur-compositeur Gary Brooker, fils d'un musicien professionnel, disposait d'un solide bagage classique, l'organiste Matthew Fisher avait pour sa part étudié à la fameuse Guildhall School of Music. Quant à Robin Trower, il allait s'impose, dans un style marqué par Jimi Hendrix, comme un des guitaristes les plus créatifs de cette fin des sixties où la concurrence était pourtant très rude... Alors que devaient initialement y figurer plusieurs morceaux bluesy, la seconde face de l'album Shine On Brightly accueillit finalement à leur place une seule et même composition : une longue suite de 17 minutes, baptisée In Held' Twas in I... Ce gros quart d'heure de musique construit en cinq parties distinctes s'impose d'évidence comme l'ancêtre direct de toutes les suites progressives qui allaient fleurir dans son sillage... Tout y est déjà : inspiration mélodique exceptionnelle, enchaînements de thèmes et d'atmosphères contrastés, paroles empreintes de mysticisme, lyrisme omniprésent et romantisme baroque autour des sonorités de l'orgue Hammond, clins d'oeil aux Beatles comme aux maîtres du classique, final grandiose dominé par des choeurs majestueux et un déchirant solo de guitare." (Frédéric DELAGE - Chroniques du Rock progressif)
A Salty Dog (1969)
"
Si Shine On Brightly s'impose avec la recul comme l'un des possibles actes de naissance du rock progressif, l'album n'avait lors de sa sortie guère rencontré de succès commercial, Procol Harum restant trop associé dans l'esprit du public au seul et très réducteur souvenir de A Whiter Shade of Pale. La publication de A Salty Dog, au printemps 1969, allait redonner un nouveau souffle populaire au groupe, l'album suscitant un véritable engouement du public américain. Proposant cette fois exclusivement des chansons au format relativement ramassé, Procol Harum y renouait en un sens avec la veine pop de son premier disque, mais avec une richesse, une sophistication et un sens du drame hérités des longs développements de la suite In Held Twas in I de l'album précédent et de ses tendances classisantes.
Considéré légitimement comme le chef-d'oeuvre du groupe, A Salty Dog s'ouvre par le morceau-titre, évocation poétique d'un naufrage, dont la mélodie tout simplement sublime signée et chantée par Gary Brooker donne immédiatement la tonalité de l'ensemble : noire mélancolie et élégance classieuse.
Harassé par les concerts incessants donnés par le groupe, Matthew Fisher laissera là ses compagnons, ne retrouvant Procol Harum qu'en 1991 pour l'album de reformation The Prodigal Stranger. Un départ qui, pas plus que celui de l'excellent guitariste Robin Trower en 1971, n'empêchera pourtant Procol Harum de publier quelques fameux disques dans les années soixante-dix, dont en premier lieu le délicieux Grand Hotel de 1973." (Frédéric DELAGE - Chroniques du Rock progressif)
Home (1970)
Le début de la décennie 70 signifie pour Procol Harum un bouleversement de son effectif : Matthew Fisher et Dave Knights quittent le groupe juste après la sortie de l'album
A Salty Dog. Pour les remplacer, un seul musicien, ex PARAMOUNTS,
Chris Copping, bassiste et organiste.
Tout en conservant son ADN, le changement le plus important dans le son de Harum est dû au fait que le guitariste Robin Trower a intensifié son jeu en solo. Ici, il déchaîne des riffs de style Hendrixien et remplace avec succès l'organiste Fisher.
Pour preuve, la compo de Trower,
Whisky Train, qui ouvre l'album avec un blues très électrifié, hommage au
Mystery Train de Presley.
Home c'est aussi de la douceur, avec le chant audacieux de Gary Brooker, la batterie implacable de Wilson - il était, après tout, le premier choix de Jimmy Page pour Led Zeppelin - et les paroles énigmatiques de Keith Reid.
Un album qui passe souvent au second plan (la faute à cette vilaine pochette ?) ... quelle erreur !
Broken Barricades (1971)
Broken Barricades est l'album avec lequel j'ai vraiment découvert Procol Harum. Quelque peu déçue à l'époque par l'ambiance, j'ai délaissé ce groupe pendant un certain temps. Il est vrai que c'est, sans doute, leur album le moins réussi jusqu'alors. Il faut dire que l'ambiance commence à se gâter entre Gary Brooker, qui s'est imposé comme leader du groupe, et Robin Trower, frustré de ne pouvoir laisser s'exprimer ses talents de compositeur. Pourtant
Simple Sister, qui ouvre l'album, démontre à quel point il sait délivrer son énergie. Les titres se suivent, par exemple
Luskus Delph, dont la jolie mélodie mélancolique n'arrive pas à faire oublier les violons quelque peu sirupeux... et certains dont le résultat est en deçà de ce qu'on peut attendre d'un groupe qui nous a habitué à une créativité plus ambitieuse.
Par ailleurs, Robin Trower nous livre ici
Song For A Dreamer, un titre envoutant, presque psychédélique et assez différent du reste de l'album. Et tient même le rôle de chanteur lead sur
Poor Mohammed qui clôture Broken Barricades, tout en faisant vibrer sa steel guitare.
Robin Trower quittera définitivement Procol Harum après cet album, pour se lancer dans une carrière solo.
Procol Harum Live (1972)
Enregistré le 18 novembre 1971
52 musiciens, 24 chanteurs. Des tentatives de mariage entre un groupe de rock et un orchestre symphonique n'ont pas toujours donné de bons résultats, notamment dans les années 70. Cet enregistrement prouve que la magie peut opérer ! Est-ce parce que Gary Brooker s'était chargé lui-même d'écrire les arrangements pour l'orchestre ?
Sur le vinyle d'origine on trouvait cinq titres, dont l'épique
In Held Twas in I. Préférez donc l'édition
Esoteric de 2018 sur laquelle furent ajoutés quatre titres enregistrés pendant les répétitions : Simple Sister, Shine on Brightly, A Salty Dog et Luskus Delph.
Robin Trower est ici remplacé par
Dave Ball (sa seule participation à un album de PH) et on retrouve
Alan Cartwright au poste de bassiste (et ce jusqu'à
Procol's Ninth)
D'ailleurs, je vous conseille toutes les éditions Esoteric, elles sont superbes et regorgent de B-sides, de lives, d'inédits !
Grand Hotel (1973)
Alors que le live avec l'orchestre symphonique a relancé la notoriété du groupe,
Mick Grabham, le nouveau guitariste, rejoint le groupe dont le nouveau line-up restera inchangé pendant les 5 années à venir.
Un journaliste du NME disait à l'époque ceci :"A masterpiece of musical perfection and lyricism".
Et malgré quelques petites critiques sur le fait que Procol fait du Procol, ou que Mick Grabham n'a pas encore réellement trouvé sa place, ce Grand Hotel est en effet une vraie réussite. Contrairement à
Broken Barricades qui manquait de cohérence et d'inspiration, ici tout se tient, couvrant un grand labyrinthe d'émotions allant de la nostalgie à l'amour perdu, au suicide, à la décadence et à la désolation.
Un must-have !