Entrer dans l'oeuvre de Mahler constitue un voyage de longue haleine, et je trouve plus judicieux de marcher à pas comptés que de se jeter sur une intégrale qui pourrait se révéler très étouffante à aborder.
En plus, chaque symphonie a été conçue par Mahler comme un monde autonome, et selon les oeuvres, les chefs peuvent être diversement inspirés.
Il faut vraiment savoir pour l'aborder que chez Mahler, la musique n'est objet ni de divertissement, ni de complaisance à l'égard du public.
Il convoque ce qu'il y a de plus métaphysique dans l'humain, et se place par cette attitude dans l'héritage de Beethoven, mais en beaucoup plus sombre.
Peu d'espoir chez lui, et une vie de directeur de l'opéra de Vienne tellement prenante que ses symphonies ont été composées dans une cabane au fond du jardin durant les étés qui lui étaient laissés disponibles par sa pratique de chef d'orchestre.
Chef précurseur, génial et reconnu mais compositeur raillé et malheureux car incompris.
La première symphonie constitue pour moi une bonne entrée en matière, avec cette immense note tenue qui ouvre l'oeuvre comme si elle se mettait au diapason du son de l'univers tout entier.
La version de Michael Gielen, chef rompu au répertoire contemporain donne une lecture très transparente et dramatique de l'oeuvre, avec des contrastes extraordinaires qui exploitent toute la puissance de l'orchestre, particulièrement dans le mouvement conclusif.
Cette symphonie montre déjà le caractère disparate de l'esthétique Mahlerienne, qui emprunte au musiques populaires autant qu'elle se concentre sur le grain du son pour lui-même.
http://www.amazon.fr/Symphony-1-D-Major-Mahler/dp/B0000AN3HP/ref=sr_1_15?s=music&ie=UTF8&qid=1371395952&sr=1-15&keywords=mahler+gielenJe proposerais ensuite de passer à la 9ème dans la version de concert enregistrée par Abbado. Le propos s'est dépouillé et l'orchestre entame durant 80 minutes un cheminement vers le silence et la disparition, vers un point de fragilité inouï qui laisse le public en suspens durant une minute avant de pouvoir applaudir. Difficile de trouver moins anecdotique...
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A écouter avec le livret et un mouchoir...
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