Dream Theater A Dramatic Turn Of Events
"Coup de théâtre" : tel est le titre de ce nouvel album de
Dream Theater. De coup de théâtre, il fut question il y a un an avec le départ pour le moins inattendu de son leader,
Mike Portnoy. Aujourd'hui, le groupe joue gros ! Comme
Yes et son nouveau chanteur et
Opeth et sa nouvelle direction musicale, le voici prêt à affronter un véritable challenge : prouver que la défection du patron n'a entamé en rien sa capacité à créer une musique intéressante, et surtout ne pas salir le nom du groupe en sortant un album indigne !
Dream Theater a donc perdu son "metteur en son", celui qui donnait la direction des albums, qui apportait les concepts (les tonalités de
Octavarium, le "tout metal" sur
Train Of Thought, par exemple). Mais les principaux compositeurs sont toujours là, ce qui est quand même rassurant !
Portnoy out,
Jordan Rudess prend du galon tandis que
John Petrucci devient clairement le leader du groupe (par contre, n'attendons pas de lui le même investissement dans les tâches extra-musicales que son ex-ami batteur).
John Myung bénéficie aussi de cette poussée et devient un peu plus visible (et audible).
James Labrie... reste
James Labrie, officiant toutefois dans un registre medium, plus adapté à sa texture actuelle sans doute. Quant à
Mike Mangini, nouveau venu au sein du groupe, il "fait le job" ! Pour l'instant ! Car on sait que les morceaux étaient déjà composés avant même son arrivée dans le groupe... Le prochain album montrera donc sa capacité à s'investir ou non dans les compositions (ou au moins dans leur interprétation). Il n'empêche que ses parties de batterie, un peu moins présentes dans le
mix que ne l'étaient celles de
Portnoy, n'en sont pas moins excellentes, voire parfois tout à fait impressionnantes !
Bon, mais qu'en est-il de ce nouvel album ? Une première écoute pourra à la fois rassurer et inquiéter : rassurer car sans
Mike Portnoy,
Dream Theater continue à faire du
Dream Theater ! Et inquiéter pour les mêmes raisons... Comme si les musiciens avaient voulu (se) rassurer,
A Dramatic Turn Of Events commence par un morceau très classique, mais pas désagréable, rappelant "Pull Me Under" (l'entrée de la batterie est d'ailleurs très similaire). La suite semble montrer qu'il n'y a absolument rien de nouveau et la longueur de l'album (77 minutes) a tendance a accentuer cette impression : un chant déjà entendu et des passages instrumentaux hallucinants, mais qui n'apportent rien de plus que ce qui a déjà été produit par
Liquid Tension Experiment (l'éphémère projet de
Portnoy/
Rudess/
Petrucci, accompagnés pour l'occasion du grand
Tony Levin à la basse). Une chose étonne quand même : c'est probablement la première fois depuis
Awake (1994) que le groupe n'emprunte pas de façon éhontée la musique d'autres groupes (au point que l'on était parfois en plein plagiat).
Dream Theater semble avoir retrouvé sa véritable identité et c'est une excellente nouvelle !
Les écoutes se multipliant, on commence s'y retrouver dans ce déluge de sons et de rythmiques parfois complètement folles. Les trois ballades, vraiment réussies pour une fois (quoique peut-être un peu mièvres), apportent d'agréables respirations et permettent de reprendre son souffle entre les épiques et très complexes "Lost, Not Forgotten", "Bridges In The Sky" et "Outcry" ! Petit à petit, les refrains entrent en tête, facilitant la compréhension des structures des morceaux et la digestion des passages instrumentaux, par moment ébouriffants (à ce titre, la partie centrale d'"Outcry" figure parmi ce que le groupe a pu proposer de plus dingue).
Au final, on se rend compte que
Dream Theater vient de nous livrer un
opus inespéré, d'une vraie fraîcheur, n'empruntant qu'à lui-même, ce qui est déjà pas mal ! Des mélodies entêtantes, des passages inattendus ("Outcry", "Breaking All Illusions"), une production énorme laissant enfin entendre le jeu habituellement enterré de
John Myung (
Myung que l'on retrouve auteur des paroles d'une chanson, ce qui n'était pas arrivé depuis une éternité) ! Bon, certaines sonorités synthétiques de
Jordan Rudess ne sont pas toujours du meilleur goût (on finit par s'y faire) mais son jeu est peut-être encore plus impressionnant que d'habitude !
De là à dire que le plaisir que semblent éprouver les cinq musiciens ainsi que cette liberté retrouvée sont une conséquence du départ de
Mike Portnoy, il n'y a qu'un pas que nous ne franchirons pas... Mais il semble quand même évident que sans lui, ils sont revenus de façon naturelle au son qui était le leur à l'époque de
Images And Words/
Awake/
A Change Of Seasons, celui qui avait fait leur originalité et qui avait finalement été dilué dans les emprunts trop voyants et trop fréquents à d'autres groupes (
Muse,
Pink Floyd,
Pantera...), sans doute imposés par l'ancien batteur...
Puissent-ils rester sur cette voie et passer à la vitesse supérieure pour le prochain album. Ils viennent de prouver avec
A Dramatic Turn Of Events qu'ils en avaient les moyens !
Une belle surprise et un sacré soulagement !