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Flûtiste excentrique et vocaliste indomptable, initiateur d’un système musical fondé sur les « XPs » et futur locataire à la Villa Médicis : voilà de quoi situer le personnage, mais avant d’en arriver là, Malik Mezzadri s’est d’abord fait connaître dans quelques-unes des formations les plus marquantes de ces quinze dernières années. Depuis ses débuts avec le groupe Human Spirit et le Groove Gang de Julien Lourau jusqu’à ses collaborations plus récentes avec Aka Moon ou le collectif Octurn, Malik a longtemps préféré l’organisation d’un groupe soudé plutôt que celle d’un leader entouré de sidemen. Aussi, lorsque paraissent les premiers albums sous le nom de Magic Malik Orchestra, “HWI Project” (1997) et “69 96” (2000), on n’est guère surpris d’y retrouver plusieurs anciens partenaires tels que Denis Guivarc’h ou Minino Garay. Parmi les rencontres décisives, on retiendra encore celle avec Steve Coleman, car l’altiste et fondateur du M-Base est certainement celui qui partage le plus son goût pour les enchevêtrements rythmiques complexes. Certes, son influence reste encore difficile à estimer, mais ce genre de situations ont manifestement été précieuses : « Ces multiples incursions m’ont à chaque fois permis d’avancer », explique-t-il, « car c’est souvent en formulant des idées à d’autres musiciens, à travers le dialogue, qu’elles ont pris forme et sont devenues des concepts personnels. » Si le dialogue s’est naturellement instauré avec des jazzmen comme Nelson Veras et Pierrick Pedron, Malik s’est également illustré dans des contextes plus inattendus aux frontières de la pop ou de l’électro avec M, Bumcello, Camille, Troublemakers, Hocus Pocus ou Air.
Avec le temps, les projets collectifs ont toutefois laissé place à de nouvelles priorités, et Magic Malik s’est davantage consacré à l’élaboration d’un répertoire personnel et innovant, basé sur le concept des « XPs ». Ces « expériences » impliquant une approche formelle et minimaliste du rythme ou du système tonal sont à l’origine de ses disques “00-237 / XP 1” (2003), “13 XP Song’s Book” (2004), “XP 2” (2005) et “Saoule” (2008). Plus cérébrale, sa musique s’inspire alors autant des grooves superposés adoptés par Miles Davis au début des 70’s, que du souci des détails et des finitions manifesté par le guitariste Pat Metheny. Mais alors que Malik oscille encore largement entre deux attitudes, l’une conceptuelle et l’autre plus accessible, son arrivée chez Bee Jazz lui offre l’occasion de renouer avec une forme d’immédiateté, voire d’évidence. Il semble en effet que les pièces de son nouveau disque “Short Cuts” soient plutôt le fruit de contemplations esthétiques (un tableau de Paul Klee par exemple) ou d’un simple accord plaqué au hasard sur le piano : « Parfois, j’ai seulement tenté de suivre le fil d’une idée qui m’était suggérée », précise-t-il, « puis de la mener jusqu’au bout en interférant le moins possible sur le premier élan, en y insufflant le minimum de contrôle intellectuel. » Nul doute en effet que la trame épurée et répétitive du morceau Pop s’inscrive dans cette démarche plus instinctive. Mais elle transparaît également à travers la puissante ligne de basse qui sous-tend le titre Botswana, la pulse urbaine de Jungle ou encore le thème d’Amerigo, bâti sur un simple fragment d’une suite pour violoncelle de Bach. Tout au long du programme, Malik veille en outre à alterner ses parties de flûte et ses vocalises atmosphériques avec un sens narratif et une virtuosité contenue qui en accentuent le magnétisme. Initiés dès les premiers temps à cette double orientation, les membres de son quartette – Jozef Dumoulin (claviers, effets & programmation), Jean-Luc Lehr (basse électrique) et Maxime Zampieri (batterie) – s’épanouissent pleinement dans son univers, tout comme le compositeur et manipulateur de sons Gilbert Nouno avec qui Magic Malik intègrera bientôt la prestigieuse Villa Médicis pour y travailler sur les expressions musicales issues du patrimoine écrit et oral.